Le Bosco Verticale
L’architecte qui enracine les villes
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Le paradis perdu de Christiania
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Donald Trump est de retour
à la Maison-Blanche.
Les adorateurs de l’intelligence
artificielle (IA) vont enfin
accomplir leurs desseins pour
l’espèce humaine. L’imaginaire
apocalyptique des Jeff Bezos,
Marc Zuckerberg, Sam Altman,
Elon Musk et autres, construit
sur les thèmes puisés dans
la littérature cyberpunk
et la science-fiction populaire
américaine, va pouvoir se
déployer. Problème ? Quelques
milliards d’âmes n’ont plus leur
place dans leur monde idéal.

Texte Jean-Marie Hosatte
Illustrations François-Marc Baillet

1

Déflagration

Connexion établie entre Trump et la frange la plus libertarienne de la Silicon Valley.

Au début des années 1990, la Silicon Valley est en crise. L’effondrement de l’URSS a tari le flot de commandes que le complexe militaro-industriel passait aux entreprises californiennes. Bill Clinton, inspiré par Al Gore, son vice-président, décide alors un plan de relance de l’économie de la région de San Francisco, fondé sur les technologies de l’information. Bill Clinton avoue ne pas savoir de quoi il s’agit vraiment, mais une seule rencontre avec des pionniers de la tech suffit à le convaincre que « l’information, est le pétrole du futur ». Dix-sept milliards de dollars sont alloués pour déclencher une « renaissance digitale ». L’initiative de Clinton et de Gore va changer la face du monde.
  2024. Trente ans ont passé depuis la création des « autoroutes de l’information », un milliard et demi d’humains possèdent ou sont possédés par leur smartphone. Facebook compte trois milliards d’abonnés. La capitalisation boursière d’Apple atteint 3 003 milliards de dollars… Trente ans, c’est moins que le temps d’une seule génération humaine mais, déjà, on n’en finirait pas d’aligner les milliards et les superlatifs si l’on tentait de donner une idée de l’ampleur de la révolution industrielle, sociologique, et même anthropologique, qu’a provoqué le plan de relance de la Silicon Valley. Alain Damasio, auteur français de science-fiction, écrit : « Ces entreprises font notre monde et fabriquent l’hominidé que nous sommes devenus… Exactement comme on externalise nos dépenses physiques dans la voiture ou l’ascenseur, on externalise depuis vingt ans nos capacités cognitives : notre mémoire dans les espaces de recherches, nos capacités d’orientation au GPS… Tout pousse à minimiser l’énergie cérébrale que nous consacrons à des tâches jugées subalternes, alors qu’elles participent à notre dynamique
de pensée. »
  L’initiative Clinton-Gore a ouvert une période de trente années de passion politique entre les démocrates et cette tech californienne qui se laisse désormais séduire par le vociférant Donald Trump. La haine entre eux fut pourtant affichée et féroce. À l’exception du prophète libertarien Peter Thiel, l’homme qui estime que la démocratie et la liberté sont inconciliables, les Big Players de la Silicon Valley ont toujours affiché leur hostilité au président qui vient de décrocher son second mandat. Après la première élection de Trump en 2016, la Silicon Valley avait été secouée par la « Trump Apocalypse » ; des dizaines d’entrepreneurs avaient acheté des propriétés en Nouvelle-Zélande pour s’y réfugier au cas où le « Le Clown » (surnom donné par « L’Endormi » Joe Biden, en réponse au sobriquet attribué par son rival, ndlr) aurait eu envie de régler quelques comptes avec les branchés de la tech.
  Huit ans plus tard, la Silicon Valley a viré de bord. Musk, le plus riche, le plus visionnaire, le plus agressif des technomagnats, celui qui promeut et réussit les projets les plus déments, a parié sur Trump – un choix aussi fou que celui de récupérer une fusée géante de retour sur Terre ou de créer une constellation de satellites en orbite. Mais une fois de plus, Musk a raflé la mise.

Donald Trump est de retour
à la Maison-Blanche.
Les adorateurs de l’intelligence
artificielle (IA) vont enfin
accomplir leurs desseins pour
l’espèce humaine. L’imaginaire
apocalyptique des Jeff Bezos,
Marc Zuckerberg, Sam Altman,
Elon Musk et autres, construit
sur les thèmes puisés dans
la littérature cyberpunk
et la science-fiction populaire
américaine, va pouvoir se
déployer. Problème ? Quelques
milliards d’âmes n’ont plus leur
place dans leur monde idéal.

Texte Jean-Marie Hosatte
Illustrations François-Marc Baillet

 

1

Déflagration

Connexion établie entre Trump et la frange la plus libertarienne de la Silicon Valley.

Au début des années 1990, la Silicon Valley est en crise.
L’effondrement de l’URSS a tari le flot de commandes que le complexe militaro-industriel passait aux entreprises californiennes.
Bill Clinton, inspiré par Al Gore, son vice-président, décide alors un plan de relance de l’économie de la région de San Francisco, fondé sur les technologies de l’information. Bill Clinton avoue ne pas savoir de quoi il s’agit vraiment, mais une seule rencontre avec des pionniers de la tech suffit à le convaincre que « l’information, est le pétrole du futur ». Dix-sept milliards de dollars sont alloués pour déclencher une « renaissance digitale ».
L’initiative de Clinton et de Gore va changer la face du monde.
 2024. Trente ans ont passé depuis la création des « autoroutes de l’information », un milliard et demi d’humains possèdent ou sont possédés par leur smartphone. Facebook compte trois milliards d’abonnés. La capitalisation boursière d’Apple atteint 3 003 milliards de dollars… Trente ans, c’est moins que le temps d’une seule génération humaine mais, déjà, on n’en finirait pas d’aligner les milliards et les superlatifs si l’on tentait de donner une idée de l’ampleur de la révolution industrielle, sociologique, et même anthropologique, qu’a provoqué le plan de relance de la Silicon Valley. Alain Damasio, auteur français de science-fiction, écrit : « Ces entreprises font notre monde et fabriquent l’hominidé que nous sommes devenus… Exactement comme on externalise nos dépenses physiques dans la voiture ou l’ascenseur, on externalise depuis vingt ans nos capacités cognitives : notre mémoire dans les espaces de recherches, nos capacités d’orientation au GPS… Tout pousse à minimiser l’énergie cérébrale que nous consacrons à des tâches jugées subalternes, alors qu’elles participent à notre dynamique
de pensée. »
L’initiative Clinton-Gore a ouvert une période de trente années de passion politique entre les démocrates et cette tech californienne qui se laisse désormais séduire par le vociférant Donald Trump. La haine entre eux fut pourtant affichée et féroce. À l’exception du prophète libertarien Peter Thiel, l’homme qui estime que la démocratie et la liberté sont inconciliables, les Big Players de la Silicon Valley ont toujours affiché leur hostilité au président qui vient de décrocher son second mandat. Après la première élection de Trump en 2016, la Silicon Valley avait été secouée par la « Trump Apocalypse » ; des dizaines d’entrepreneurs avaient acheté des propriétés en Nouvelle-Zélande pour s’y réfugier au cas où le « Le Clown » (surnom donné par « L’Endormi » Joe Biden, en réponse au sobriquet attribué par son rival, ndlr) aurait eu envie de régler quelques comptes avec les branchés de la tech.
 Huit ans plus tard, la Silicon Valley a viré de bord. Musk, le plus riche, le plus visionnaire, le plus agressif des technomagnats, celui qui promeut et réussit les projets les plus déments, a parié

Donald Trump est de retour à la Maison-Blanche. Les adorateurs de l’intelligence artificielle (IA) vont enfin accomplir leurs desseins pour l’espèce humaine. L’imaginaire apocalyptique des Jeff Bezos, Marc Zuckerberg, Sam Altman, Elon Musk et autres, construit sur les thèmes puisés dans la littérature cyberpunk et la science-fiction populaire américaine, va pouvoir se déployer. Problème ? Quelques milliards d’âmes n’ont plus leur place dans leur monde idéal.

Texte Jean-Marie Hosatte
Illustrations François-Marc Baillet

1

Déflagration

Connexion établie entre Trump et la frange la plus libertarienne de la Silicon Valley.

Au début des années 1990, la Silicon Valley est en crise. L’effondrement de l’URSS a tari le flot de commandes que le complexe militaro-industriel passait aux entreprises californiennes. Bill Clinton, inspiré par Al Gore, son vice-président, décide alors un plan de relance de l’économie de la région de San Francisco, fondé sur les technologies de l’information. Bill Clinton avoue ne pas savoir de quoi il s’agit vraiment, mais une seule rencontre avec des pionniers de la tech suffit à le convaincre que «l’information, est le pétrole du futur». Dix-sept milliards de dollars sont alloués pour déclencher une «renaissance digitale». L’initiative de Clinton et de Gore va changer la face du monde.
  2024. Trente ans ont passé depuis la création des «autoroutes de l’information», un milliard et demi d’humains possèdent ou sont possédés par leur smartphone. Facebook compte trois milliards d’abonnés. La capitalisation boursière d’Apple atteint 3 003 milliards de dollars... Trente ans, c’est moins que le temps d’une seule génération humaine mais, déjà, on n’en finirait pas d’aligner les milliards et les superlatifs si l’on tentait de donner une idée de l’ampleur de la révolution industrielle, sociologique, et même anthropologique, qu’a provoqué le plan de relance de la Silicon Valley. Alain Damasio, auteur français de science-fiction, écrit: «Ces entreprises font notre monde et fabriquent l’hominidé que nous sommes devenus... Exactement comme on externalise nos dépenses physiques dans la voiture ou l’ascenseur, on externalise depuis vingt ans nos capacités cognitives: notre mémoire dans les espaces de recherches, nos capacités d’orientation au GPS... Tout pousse à minimiser l’énergie cérébrale que nous consacrons à des tâches jugées subalternes, alors qu’elles participent à notre dynamique de pensée.» L’initiative Clinton-Gore a ouvert une période de trente années de passion politique entre les démocrates et cette tech californienne qui se laisse désormais séduire par le vociférant Donald Trump. La haine entre eux fut pourtant affichée et féroce. À l’exception du prophète libertarien Peter Thiel, l’homme qui estime que la démocratie et la liberté sont inconciliables, les Big Players de la Silicon Valley ont toujours affiché leur hostilité au président qui vient de décrocher son second mandat. Après la première élection de Trump en 2016, la Silicon Valley avait été secouée par la «Trump Apocalypse»; des dizaines d’entrepreneurs avaient acheté des propriétés en Nouvelle-Zélande pour s’y réfugier au cas où le «Le Clown» (surnom donné par «L’Endormi» Joe Biden, en réponse au sobriquet attribué par son rival, ndlr) aurait eu envie de régler quelques comptes avec les branchés de la tech.
  Huit ans plus tard, la Silicon Valley a viré de bord. Musk, le plus riche, le plus visionnaire, le plus agressif des technomagnats, celui qui promeut et réussit les projets les plus déments, a parié sur Trump – un choix aussi fou que celui de récupérer une fusée géante de retour sur Terre ou de créer une constellation de satellites en orbite. Mais une fois de plus, Musk a raflé la mise.

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Déflagration

Connexion établie entre Trump et la frange la plus libertarienne de la Silicon Valley.

Au début des années 1990, la Silicon Valley est en crise. L’effondrement de l’URSS a tari le flot de commandes que le complexe militaro-industriel passait aux entreprises californiennes. Bill Clinton, inspiré par Al Gore, son vice-président, décide alors un plan de relance de l’économie de la région de San Francisco, fondé sur les technologies de l’information. Bill Clinton avoue ne pas savoir de quoi il s’agit vraiment, mais une seule rencontre avec des pionniers de la tech suffit à le convaincre que «l’information, est le pétrole du futur». Dix-sept milliards de dollars sont alloués pour déclencher une «renaissance digitale». L’initiative de Clinton et de Gore va changer la face du monde.
  2024. Trente ans ont passé depuis la création des «autoroutes de l’information», un milliard et demi d’humains possèdent ou sont possédés par leur smartphone. Facebook compte trois milliards d’abonnés. La capitalisation boursière d’Apple atteint 3 003 milliards de dollars... Trente ans, c’est moins que le temps d’une seule génération humaine mais, déjà, on n’en finirait pas d’aligner les milliards et les superlatifs si l’on tentait de donner une idée de l’ampleur de la révolution industrielle, sociologique, et même anthropologique, qu’a provoqué le plan de relance de la Silicon Valley. Alain Damasio, auteur français de science-fiction, écrit: «Ces entreprises font notre monde et fabriquent l’hominidé que nous sommes devenus... Exactement comme on externalise nos dépenses physiques dans la voiture ou l’ascenseur, on externalise depuis vingt ans nos capacités cognitives: notre mémoire dans les espaces de recherches, nos capacités d’orientation au GPS... Tout pousse à minimiser l’énergie cérébrale que nous consacrons à des tâches jugées subalternes, alors qu’elles participent à notre dynamique de pensée.» L’initiative Clinton-Gore a ouvert une période de trente années de passion politique entre les démocrates et cette tech californienne qui se laisse désormais séduire par le vociférant Donald Trump. La haine entre eux fut pourtant affichée et féroce. À l’exception du prophète libertarien Peter Thiel, l’homme qui estime que la démocratie et la liberté sont inconciliables, les Big Players de la Silicon Valley ont toujours affiché leur hostilité au président qui vient de décrocher son second mandat. Après la première élection de Trump en 2016, la Silicon Valley avait été secouée par la «Trump Apocalypse»; des dizaines d’entrepreneurs avaient acheté des propriétés en Nouvelle-Zélande pour s’y réfugier au cas où le «Le Clown» (surnom donné par «L’Endormi» Joe Biden, en réponse au sobriquet attribué par son rival, ndlr) aurait eu envie de régler quelques comptes avec les branchés de la tech.
  Huit ans plus tard, la Silicon Valley a viré de bord. Musk, le plus riche, le plus visionnaire, le plus agressif des technomagnats, celui qui promeut et réussit les projets les plus déments, a parié sur Trump – un choix aussi fou que celui de récupérer une fusée géante de retour sur Terre ou de créer une constellation de satellites en orbite. Mais une fois de plus, Musk a raflé la mise.

  La connexion réussie entre Trump et la frange la plus libertarienne de la Silicon Valley pourrait provoquer une déflagration aux conséquences inimaginables. Clinton avait été convaincu de favoriser le développement des industries de l’information par des hommes d’affaires qui rêvaient d’engranger des milliards en vendant, à la Terre entière, des objets et des services dont ils pensaient, souvent sincèrement, qu’ils rendraient le monde plus savant, plus libre, mieux informé. Trump et Musk ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Le patron de Tesla, Space X Starlink, X, Neuralink est déjà l’homme le plus riche du monde. Il cherche moins à accumuler encore davantage milliards que de mettre sa fabuleuse fortune au service de la réalisation de son «Plan pour l’Humanité». Musk est l’archétype de ces milliardaires systémiques qui n’ont créé leurs empires que pour se donner les moyens de s’affranchir des obstacles qui les empêcheraient d’accomplir le dessein qu’ils poursuivent pour l’espèce humaine – qu’elle le veuille ou non. Il y a un peu moins de 3000 milliardaires sur Terre, mais seulement six sont obnubilés par l’envie d’orienter l’histoire du genre humain vers des voies qu’ils ont découvertes, dès leur adolescence, dans les classiques de la littérature et du cinéma de science-fiction. 

« ELON MUSK,
LE PLUS AGRESSIF DES TECHNOMAGNATS,
A RAFLÉ LA MIOSE. » 

« ELON MUSK,
LE PLUS
AGRESSIF DES
TECHNOMAGNATS,
A RAFLÉ
LA MIOSE. » 

  Au lendemain de la victoire de Trump – ou de la défaite fracassante de Kamala Harris –, la presse américaine progressiste a parlé d’une «révélation» en rendant à ce mot sa dimension religieuse. Selon saint Jean, le temps de la révélation serait l’Apocalypse, dont le premier signe est le retour de l’Antéchrist. Dès lors, l’Humanité saura quelles épreuves terribles elle aura à traverser jusqu’au Jugement dernier et le règne du Christ pour l’éternité. Aux yeux de millions de croyants américains, la résurrection politique de Trump, c’est le triomphe de l’Antéchrist, une figure que l’étude de la Bible puis des dizaines de films, de séries, de romans à succès, ont ancrée dans la conscience collective des États-Unis, sans forcément la rendre repoussante. Trump ne renie pas cet amalgame. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder sa photo de profil sur son compte X.
  Sa première action politique aura été de soumettre l’administration américaine à son pire ennemi. Elon Musk est chargé de rendre la puissance publique «plus efficace», tout en la privant de 2000 milliards de dollars de budget. Rien ne peut plus empêcher les Cavaliers de Teotwawki (Acronyme de The End of the World as We Know it(1), en usage chez les survivalistes et preppers), figures de l’Apocalypse libertarienne, de réaliser leurs plans pour l’Humanité jusqu’à ce que les Élus, hybrides humains- machines, entrent dans l’éternité transhumaniste. La Silicon Valley ne vendra plus d’utopies. Elle nous fera acheter la version de l’Apocalypse selon Musk.

Elon Musk

Mark Zuckerberg

2

Millénium

« Les patrons de Facebook, Google et Apple entendent créer un monde de reflets où les difficultés n’existeront pas. »

Depuis son enfance, Musk est dévoré par l’angoisse que fait naître en lui la perspective d’une fin de l’humanité à cause de la dénatalité. Les humains, selon lui, n’auraient plus envie de sacrifier de nouvelles générations à un monde qui offre trop de chances à ceux qui ne les méritent pas et refuse trop d’opportunités aux meilleurs. Trop de règles, trop de lois, trop d’interdictions entravent ceux qui pourraient «réparer le monde» si les États et leurs administrations les laissaient faire à leur guise. Cette Terre est un enfer dont les Libertariens, comme Musk, sont les damnés.
  C’est dans la science-fiction qu’il a retrouvé l’espoir de sauver le monde en devenant le «technomessie». Thomas Michaud, chercheur, prospectiviste et auteur de SF, écrit: «Musk est fan de ce genre littéraire, il n’hésite pas à annoncer vouloir réaliser des visions qui appartenaient jusqu’alors à cet imaginaire technique. Il est l’archétype de l’entrepreneur hyperréel, c’est-à-dire un innovateur ne fixant aucune limite, cherchant à réaliser la science-fiction.»
  Les robots domestiques que fabrique Musk? On les voit dans le film I, Robot, d’Alex Proyas (2004). Les implants neuronaux de Neuralink? Tout est dans les livres de Iain M. Banks (par exemple, Les Enfers virtuels, 2010). L’idée de numériser les esprits? Piquée à la SF cyberpunk, cette science-fiction du chaos parle de mondes effondrés, de sociétés surpeuplées et dévorées par la violence, la corruption, les virus. Rien de plus pessimiste mais rien de plus propre à enthousiasmer Elon Musk, convaincu que Teotwawki est proche. Mais il a une solution. Transformer l’humanité en espèce multiplanétaire et expédier sur Mars sa partie la plus audacieuse, la plus intelligente, la moins faiblarde... et aussi la plus réfractaire à l’autorité d’un État mais pas à celle d’un vrai chef, comme lui. Selon le chercheur danois Gregers Andersen(2), il s’agit là de «science-fiction désespérée», fondée sur la vision la plus noire du futur. L’Humanité ne pourra être sauvée qu’en ayant recours à des solutions technologiques qui relèvent de la géo-ingénierie, de la déportation d’une partie de l’humanité vers Mars ou de la manipulation des masses par le Big Data.
  Mais le salut de l’espèce ne se fera pas sans que se produisent d’effroyables hécatombes. Pas question pourtant de perdre son temps à travailler avec d’autres à régler les problèmes sur Terre, maintenant. La disruption, c’est la seule solution. Musk ne va pas investir pour trouver des remèdes sur lesquels d’autres travaillent déjà. Peter Thiel, son mentor, l’affirme: « Competition is for losers ! » 

Que l’on veuille faire fortune ou sauver le monde, il faut affronter et résoudre, seul, des problèmes devant lesquels tous les autres reculent. Musk veut construire, sur Mars, d’ici à 2050, une ville où pourront survivre un million de migrants terriens. Pour cela, il faudra d’abord acheminer les pionniers jusqu’à la planète rouge, les faire vivre sous cloche dans un premier temps avant de «terraformer» leur planète d’adoption, c’est-à-dire en modifier l’atmosphère pour que des humains puissent vivre sans équipements spéciaux. C’est impossible, dit la Nasa... La même Nasa qui affirmait qu’il était impossible de ramener intacte une fusée sur son pas de tir pour la réutiliser, font remarquer les Muskolâtres. Impossible aussi, pensaient les esprits sains, de récupérer Trump, de le recycler, de le réinstaller à la Maison-Blanche et d’obtenir de lui un contrôle total sur l’administration américaine. Mais Musk l’a fait, et ce n’est que le début de son plan apocalyptique.
Parmi les Cavaliers de la techno-Apocalypse, le plus dangereux serait Mark Zuckerberg, selon la journaliste Kara Swisher. L’auteure de Burn Book, A Tech Love Story (2024, Simon & Schuster) enquête sur la Silicon Valley depuis des décennies. Elle connaît ceux qui sont devenus des Big Players depuis leurs débuts. Elle garde une vague tendresse pour Musk même si celui-ci l’a énormément déçue. Mais depuis qu’elle a rencontré Zuckerberg, elle n’a jamais pu se départir d’un sentiment de malaise face à un être qui semble inoffensif si l’on ne prête pas attention «à ses yeux de fauve ». Kara Swisher affirme que Zuckerberg – «tout doux, tout mou à l’extérieur mais dur, acéré comme une poignée de clous à l’intérieur » – n’a jamais été motivé que par sa volonté de laisser une marque assez profonde dans l’Histoire et que son nom soit connu pendant quelques millénaires.
  Le fondateur de Facebook a pris l’empereur Auguste pour modèle de vie et de stratégie. Zuckerberg semble si fasciné par celui qui a abattu la République romaine qu’il va jusqu’à copier sa coiffure. «Zuck», comme Auguste, conclut toutes ses réunions stratégiques en hurlant: «Domination ! » Il s’est mis au MMA pour tenter de se sculpter un corps de gladiateur, mais affecte la simplicité de mœurs et d’apparence qui sied aux vrais grands de ce monde. Auguste, au sommet de sa puissance et de sa gloire, n’a jamais eu le millième du pouvoir de Zuckerberg, l’homme qui règne sur un empire de plus de quatre milliards d’abonnés captifs, dont une large proportion est addict à ce mélange de fureur, de contre-vérités, de délires et de haine, qu’ils absorbent en se connectant. Pour Facebook, rien n’est plus rentable que les passions tristes.

« PARMI LES CAVALIERS
DE LA TECHNO-APOCALYPSE,
LE PLUS DANGEREUX
SERAIT MARK ZUCKERBERG. »

Mark Zuckerberg

Sam Altman

  Kara Swisher a interrogé Zuckerberg sur le fait qu’il ne faisait rien pour empêcher les négationnistes de vomir leurs délires sur son réseau social. Facebook Imperator s’est défendu en arguant que ces gens-là ne cherchaient pas délibérément à nuire et que même si, à titre personnel, leurs propos le heurtaient, il ne les bannirait pas de son empire. La lanceuse d’alerte Frances Haugen a travaillé plusieurs années pour le service d’intégrité civique de Facebook, qu’elle a quitté quand elle a compris que son travail était une vaste farce. «Les dirigeants de Facebook ne font rien pour corriger les problèmes qu’ils connaissent. Encore aujourd’hui, leur objectif reste de garder le plus d’usagers connectés le plus longtemps possible sur leur plateforme. Et tant pis pour les dommages collatéraux ! » Cette obstination à entretenir le chaos par les algorithmes fait peser sur les dirigeants de Facebook le soupçon de vouloir accélérer la course du monde vers une désintégration sociale. De cet effondrement civique et moral émergerait alors le Wrol – ou Without Rule of Law – un état anarchique du monde où la vie serait si peu agréable que les humains chercheraient à s’en extraire à tout prix.

« UN ÉTAT ANARCHIQUE
DU MONDE OÙ LA VIE SERAIT SI PEU AGRÉABLE QUE LES HUMAINS CHERCHERAIENT
À S’EN EXTRAIRE À TOUT PRIX. »

Zuckerberg a déjà créé un monde de rechange pour des milliards de réfugiés algorithmiques. C’est ce fameux métavers dont il a annoncé la création en 2021. «Le projet, écrivent les chercheurs Anna Verena Nosthoff et Felix Maschewski, de l’université Humboldt de Berlin, est de nous offrir un monde numérique pour ne plus avoir à se préoccuper des problèmes de cette réalité. » Il s’agit d’utiliser nos écrans comme des fenêtres pour regarder l’univers numérique, et avoir ainsi accès à cet autre monde. Chacun y sera libre, en fonction de ses moyens, de vivre une autre vie, en offrant à son avatar une autre tête que la sienne et en dotant son jumeau numérique de tous les talents, de toutes les audaces et qualités qui nous font si cruellement défaut dans une réalité de plus en plus angoissante. L’idée du métavers existe dans la science-fiction depuis 1935. Philip K. Dick l’a développée dans Le Problème des bulles, sorti en 1953. Mais c’est dans Snow Crash (Le Samouraï virtuel, 1992) de Neal Stephenson que Zuckerberg a trouvé à la fois le nom et le modèle de son métavers. Dans ce roman dystopique, le vrai monde est devenu invivable à cause de la destruction de l’environnement, de l’effondrement du système financier qui provoque un cataclysme économique et social. Les humains, accablés, retrouvent joie et consolation dans un royaume numérique de 66536 km de long accessible grâce à des lunettes de réalité virtuelle. C’est exactement le projet post solutionniste de Zuckerberg. Selon lui, les problèmes du monde réel sont insolubles. Donc plus la peine de multiplier les applications qui nous faciliteraient la vie. Persuadés de l’impossibilité de sauver notre monde, le patron de Facebook, comme ceux de Google et Apple, entendent créer un monde de reflets, où les difficultés n’existeront pas.
  Le confinement lors de la crise de la Covid aurait dû inaugurer la migration de l’Humanité vers le métavers. La Silicon Valley espérait déjà engranger 13000 milliards de dollars en quelques années. Mais les choses ne se sont pas passées comme Zuckerberg l’avait prévu. À la fin de l’épidémie, l’Humanité a repris goût à la vie en revenant à l’air libre au lieu de plonger dans l’illusion du métavers. Sam Altman, cofondateur avec Elon Musk d’OpenAI, a définitivement fermé les portes de ce monde en offrant son ChatGPT à l’humanité de chair et de sang. Malgré l’énormité de la défaite subie dans le métavers, l’empire de Zuckerberg ne s’est pas effondré. Au contraire, il ne s’est jamais aussi bien porté. À l’été 2024, ses bénéfices atteignaient 13,7 milliards de dollars, en hausse de 73 %. Le Cavalier Zuckerberg reste dans la course pour franchir le premier le mur de Teotwawki.

Sam Altman

3

La fabrique de Dieu

« On ne vend plus le progrès, mais la transcendance. On ne vend plus le futur, mais la fin des temps. »

  L’économiste Robert Shiller, prix Nobel d’économie 2019, a posé les fondements de ce qu’il appelle «l’économie narrative». Pour lui, les idées marginales peuvent se répandre comme des virus et provoquer des épidémies dans les imaginaires. Ces «constellations narratives» sont parfois assez puissantes pour bouleverser les cycles économiques, amorçant des crises financières, des bulles spéculatives. Ces éruptions d’imaginaire peuvent aussi inciter les grandes entreprises à réorienter leurs efforts de recherche et développement vers des projets puisés dans la science-fiction. Jules Verne fut un allumeur de constellations narratives particulièrement fécond. Le sous-marin ou l’hélicoptère qu’il imagine dans ses romans ont envahi les esprits avec une telle puissance que les ingénieurs Simon Lake (1866-1945) et Igor Sikorsky (1889-1972) les ont finalement réalisés. Mais ses conséquences sur la marche du monde ne sont qu’insignifiants clapotis si on les compare aux bouleversements que va provoquer la captation des thèmes de la SF populaire américaine par Musk, Jeff Bezos, Bill Gates, Sergeï Brin, Larry Page ou Mark Zuckerberg. Leurs prodiges, réalisés ou annoncés, font pourtant eux-mêmes pâle figure face aux ambitions de Sam Altman. Le fondateur d’OpenAI connaît toute sa SF sur le bout des doigts, mais rien d’assez ambitieux pour lui. C’est dans la Bible qu’il a trouvé l’inspiration de sa propre constellation narrative.
  Altman ne propose rien moins que de fabriquer Dieu. Un dieu tout-puissant et omniscient, peut-être même un peu plus que l’Autre. Avec Altman et quelques autres startuppers de l’IA, la Silicon Valley change de dimension avant même que les autres «entrepreneurs hyperréels» aient lancé leurs fantastiques pro- jets. Dans son essai sur Les Prophètes de l’IA – Pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse (Lux Éditeur, 2024), le journaliste Thibault Prévost écrit: «Sous l’influence de ces startup aux accents sectaires, qui reçoivent désormais des montagnes d’investissements, l’industrie de la tech tout entière bascule dans le discours techno-religieux. On ne vend plus le progrès, mais la transcendance. On ne vend plus le futur mais la fin des temps. On ne vend plus un objet, mais la naissance d’un dieu. » 
  On ne peut pas concevoir dieu en refusant l’idée de la fin du monde. Comment se déroulera l’Apocalypse de IAdonaï (Adonaï désigne dieu en hébreu, ndlr) dont Altman entend être à la fois l’Abraham (celui qui le premier entend l’appel à se convertir) et le Moïse (celui qui dialogue avec la Toute Puissance et enseigne ses lois au peuple)? Altman lui-même ne le sait pas.

Celui qui est encore en chemin pour devenir à son tour un archimilliardaire affecte de passer de l’optimisme le plus béat au désespoir absolu. Un soir de juin de 2023, devant le public venu en foule assister à l’une de ses conférences, le patron d’OpenAI s’incarne en Prométhée quand il s’exclame: «Nous avons perdu notre sens de l’optimisme à propos de l’avenir – parfois pour de bonnes raisons. Mais je crois que notre devoir à tous est de le raviver... Et le seul moyen que je connais, c’est d’utiliser la technologie pour créer l’abondance. » Mais aux bouffées d’exaltation succèdent des crises d’angoisse, comme lorsqu’il écrit sur son site internet personnel : «Le développement d’une IA surhumaine est probablement la menace la plus sérieuse à la pérennité de l’humanité.» Qui faut-il croire: docteur Altman ou Mister Doomsday (l’homme par qui arrive le Jugement dernier, ndlr)? Lui-même prétend ne pas le savoir et ne pourra répondre que lorsqu’il aura sondé les intentions véritables de la super intelligence.
  En attendant, comme tous les oracles, Altman demande qu’on lui sacrifie tout ce qui lui est nécessaire pour percer les mystères dont dépend le sort de l’Humanité. Altman veut de l’argent et de l’énergie. En quantités astronomiques. En octobre 2024, une nouvelle levée de fonds a rapporté 6,6 milliards de dollars sur les comptes d’OpenAI. Microsoft avait déjà investi 10 milliards dans la société dirigée par Altman. Mais le fonctionnement quotidien de l’entreprise coûterait 700000 dollars par jour, selon le New York Times. Pour entraîner son dernier modèle de langage, OpenAI a acheté pour 7 milliards de dollars de temps de supercalculateur à Microsoft. Les besoins en électricité de la société fondée par Bill Gates sont désormais si monstrueux que le principal actionnaire d’OpenAI a été obligé de racheter la centrale nucléaire de Three Miles Island pour produire les 850 MGW qu’elle consomme. Logiquement, le bilan carbone de l’IA américaine est catastrophique. Selon une enquête du Guardian, les émissions réelles des centres de données sont presque huit fois supérieures à celles officiellement déclarées.

« AVEC ALTMAN
ET QUELQUES AUTRES
STARTUPPERS DE L’IA,
LA SILICON VALLEY
CHANGE DE DIMENSION. »

« AVEC ALTMAN
ET QUELQUES AUTRES
STARTUPPERS DE L’IA,
LA SILICON VALLEY
CHANGE DE
DIMENSION. »

Jeff Bezos

Jeff Bezos

Ces chiffres déjà astronomiques doivent être multipliés par autant d’acteurs engagés dans la course à l’IA. Elon Musk vient de s’offrir Colossus, un supercalculateur intégrant 100000 accélérateurs NVidia à 45000 dollars pièce. Cette machine, installée à Memphis (Tennessee), consomme autant d’électricité qu’une ville de 450000 habitants. Il faut cinq millions de litres d’eau pour le refroidir, chaque jour. Musk annonce que la taille et les capacités de son Colossus doubleront dans les prochains mois. Sa puissance va être utilisée par Grok, le Chatbot de xAI, la société d’intelligence artificielle d’Elon Musk. «J’ai créé le monstre qui changera l’humanité», ne cesse de répéter le même Musk, qui accusait Altman «d’avoir invoqué le Démon» en lançant ChatGPT. Mais Colossus est une force du bien qui va permettre de découvrir tous les secrets de l’univers. Il va enfin nous donner une idée précise de nos origines, comme de notre destin. Avec lui s’ouvre une ère de vérité car le robot de xIA, à la différence de ceux de Google et OpenAI infectés par le «politiquement correct», ne mentira jamais. Pour développer son IA, Musk concède ne guère se préoccuper de sécurité. Son seul objectif? Rattraper OpenAI. Il ne faut pas compter sur Trump pour l’inciter à la prudence. Potus (President of the United States) a exaucé le vœu de son ami milliardaire d’être affranchi de toutes les contraintes susceptibles de le ralentir. Les décrets de Joe Biden pour imposer un minimum de précautions dans le développement de l’IA seront abrogés. Et si l’IA engloutit deux fois plus d’énergie que n’en produisent actuellement les États-Unis, Trump la trouvera sans perdre de temps. Parce qu’il n’y a plus de temps.
  Dans le film Matrix (Lana et Lilly Wachowski, 1999), le héros Néo est invité à choisir entre une pilule rouge et une pilule bleue.

« LE SUPERCALCULATEUR
COLOSSUS EST UNE FORCE DU BIEN QUI VA PERMETTRE DE DÉCOUVRIR TOUS LES SECRETS DE L’UNIVERS. »

La première ouvre l’esprit à la réalité, aussi terrifiante soit-elle. S’il l’avale, Néo saura. La pilule bleue préservera ses illusions. Et s’il la choisit, il continuera de croire qu’il mène une vie d’humain banal, sans histoires, ignorant que ce sont des IA malveillantes qui dirigent le monde. Tous les leaders de la tech se flattent d’avoir eu le courage d’avaler la pilule rouge, alors qu’ils n’étaient que des adolescents. Depuis, ils agissent en conséquence. Jeff Bezos sait depuis gamin que l’Humanité n’a pas d’avenir sur Terre. Ceux parmi les hommes qui méritent d’être sauvés devront aller vivre: «Sur Mars», dit Musk ; «Dans des stations orbitales géantes», le contredit son rival, Jeff Bezos. Mais l’un et l’autre s’accordent sur une idée: l’humanité pour survivre devra s’exiler dans l’espace et elle doit se préparer maintenant. La fin des temps est si proche qu’il ne faut pas gaspiller son énergie à tenter de résoudre des problèmes qui, à bien y réfléchir, ne sont pas si importants que cela. Elon Musk s’était taillé un franc succès en 2018, lors d’un festival de musique, quand il s’était adressé ainsi au public: «Il y a des choses affreuses qui arrivent en permanence dans le monde. Mais la vie, ce n’est pas de résoudre des problèmes misérables les uns après les autres. 

Il doit y avoir des choses qui vous inspirent! Constantin Tsiolovski (père du programme spatial soviétique) a dit que la Terre est le berceau de l’Humanité, mais l’Humanité ne peut pas rester dans son berceau.» Jeff Bezos aurait pu prononcer ces mots. Lui aussi pense que notre planète est perdue et qu’il ne sert à rien de trouver des solutions au réchauffement climatique, à l’extinction des espèces, aux inégalités, aux guerres. Bezos est un «longtermiste». Il pense selon une échelle de temps différente de la nôtre. Il a avalé la pilule rouge et lui sait que la fin des temps est demain pour la plupart d’entre nous. Nous sauver reviendrait à résoudre le plus misérable des «problèmes misérables». Le longtermisme est considéré comme la plus dangereuse des idéologies en vogue dans la tech. Ses partisans, prenant acte de l’inévitabilité d’une très prochaine fin du monde, s’affranchissent de toute responsabilité à l’égard de ceux qui sont vivants aujourd’hui.

« LA TERRE, POUR LE COMMUN DES MORTELS,
EST UNE IMMENSE SALLE
DE SOINS PALLIATIFS, OÙ, BOURRÉS DE PILULES BLEUES, NOUS NOUS ACHEMINONS VERS
L’ENGLOUTISSEMENT. »

La Terre, est, pour le commun des mortels, une immense salle de soins palliatifs où, bourrés de pilules bleues, nous nous acheminons vers l’engloutissement sans en avoir conscience. Mais Bezos n’est pas un monstre. Il se sait investi de la mission de protéger toutes les générations d’humains pas encore nés, c’est-à-dire quelques trillions d’âmes qui attendent leur tour pour plonger dans le tourbillon de la vie. Peut-on appeler un monstre celui qui est prêt à abandonner quelques milliards d’humains à leur sort, si c’est pour assurer le bien-être futur de trillions d’autres? Bezos les imagine, ces foules heureuses et innombrables. En 2019, l’empereur d’Amazon posait cette question: «Voulons-nous la stagnation et le rationnement? Ou voulons-nous le dynamisme et la croissance? C’est un choix facile. Si nous nous déplaçons dans le système solaire, nous avons des ressources illimitées. Un trillion d’êtres humains... Mille Mozart... Mille Einstein... qui vivraient dans des colonies spatiales assez vastes pour accueillir un million de personnes. Ce serait une civilisation
incroyable.»
  Bezos, Musk, Altman, Zuckerberg ne désespèrent pas de vivre assez longtemps pour participer au millénium qui suivra Teotwawki... Ils investissent des sommes colossales dans des recherches contre le vieillissement ou pour trouver l’immortalité. Tous possèdent des bunkers et îles privées sécurisées où ils pourront se mettre à l’abri pendant que le monde s’abîmera dans le chaos. Mais il y aura un après, et eux se sont préparés à rester les Big Players. En attendant de coloniser l’espace, les Cavaliers de la techno-Apocalypse ont déjà fait main basse sur notre futur.

(1) La fin du monde tel que nous le connaissons.
(2) Climate Fiction and Cultural Analysis A New Perspective on Life in the Anthropocene, Routledge Environmental Literature, Culture and Media.

(1) La fin du monde tel que nous le connaissons.
(2) Climate Fiction and Cultural Analysis A New Perspective on Life in the Anthropocene, Routledge Environmental Literature, Culture and Media.

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